Revue de presse - Les années 80
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La libre Belgique du 30 novembre 1979

Peintre et critique d’art, esprit fin, âme sensible et discrète, Jean Goldmann exposait il y a près de cinq ans des dessins évoquant avec une sensibilité dionysiaque les thèmes éternels de la position humaine, depuis les vieillards au trousse de Suzanne jusqu’à la tendresse très simple d’un couple enlacé. Le voici qui revient au Centre d’éducation populaire mais cette fois avec des huiles, ses gouaches et ses fusains consacrés à Bruxelles –Eventrations. Depuis des années, l’artiste s’est fait le témoin discret mais attentif des architechtes-chirurgiens qui ont pratiqué à grands coups de bulldozer ce qu’il nomme l’hystérectomie  urbaine. Jean Goldmann n’est pas un obsédé du passé et il professe qu’il n’y a rien de tel pour dévaloriser un quartier que de le laisser pourrir. Mais peut-être aurait-on pu revitaliser sans nécessairement tout flanquer par terre ?

Ce sont dans les souvenirs de ses flâneries désenchantées que nous livre l’artiste dans une double préoccupation de porter témoignage et de faire œuvre d’art. Car il naît, des saccages et des éventrations dans une ville qui a eu la chance d’avoir peu souffert des deux guerres, une incontestable émotion picturale. Dans ses bâtiments rasés, ces terrains où l’on devine encore les caves sous les herbes folles, de ces tas de matériaux voués au remblayage, il montre encore une sorte de respiration, la palpitation d’une vie secrète que Jean Goldmann rend admirablement perceptible.
(…)

Stéphane Rey

La Dernière Heure du 4 janvier 1980

Jean Goldmann est non seulement un bon critique sous la signature de Jean Cimaise mais un peintre épris de vérité. Son engagement social le conduit comme ses amis Somville, Dubrunfaut et d’autres, à traiter le réalisme en art, mais il le fait en créateur sensible, poète des formes et observateur attentif d’une société qui tend souvent- hélas- à la déshumanisation. Il nous propose encore pendant le mois de janvier au Cercle d’Education populaire, une exposition certes modeste dans son développement mais qui a le mérite de situer la « Coventrisation » exagérément poussée de nombreux quartiers bruxellois, laissés avec trop d’avidité comme proie des pelles mécaniques. Dans un climat pictural, sévère et chaud à la fois, Jean Goldmann situe les problèmes en peintre connaissant les ressources de la palette et de la structure des formes.

Les maisons décapitées, les ruines contemporaines, les tas de briques, les terrains vagues désolés et peuplés de vermine lui sont désormais familiers. La ville éventrée palpite encore, et comme il l’écrit « existe toujours une présence sourde d’âme ».
Certes, il s’agissait de taudis, souvent mais aujourd’hui, nous avons droit seulement en prime, à des terrains taudis qui vont persister de longues années. Est-ce mieux ?

En tout cas, Jean Goldmann, qui est authentiquement peintre et bon observateur, a capté avec une triste volupté le décapage de tout un petit monde.

Alain Viray

Art Tribune du 5 mars 1981

« Les gens dans ce métro que j’emprunte quatre fois par jour…. » Arts des choses du quotidien. De quel quotidien ? De celui qui est là. Que d’autres - à moins que ce ne soit l’Histoire- ont pensé pour nous, avant même que nous soyons nés. Le quotidien vache, moche, nous allions oser dire merdeux, du bout du monde. Du bout des lèvres, du petit bout après le petit bout. Du bout de rien du tout. Et là dedans, ça se trimbale. Ça fait des plis, et ça s’invente des mines de rire ou de pleurer. Ça grouille, de la fesse aux cheveux. C’est tendre, idiot ou bien rusé. Ça vit pour la semaine prochaine ou pour hier, quand c’était beau. Ça paye le prix d’être la grande humanité.

Article non signé

 La Dernière heure du 7 avril 1981 - Jean Goldmann et la vérité réaliste

Jean Goldmann est à la fois, un peintre fervent, membre fondateur des « Métiers du mur », d’« Art et Réalité », du « Mouvement Réaliste » et un critique d’art avisé et chaleureux.

Depuis de nombreuses années déjà on suit les expositions de ce garçon à la fois volontaire et timide dont plusieurs œuvres figurent dans les Collections du Cabinet des estampes, à Bruxelles.

Nous le retrouvons aujourd’hui à la Galerie Rencontre avec un ensemble d’huiles et de dessins souvent lumineux toujours pathétiques, tendus et même furieux dans leur bouillonnement interne. Jean Goldmann  traite la femme (et l’homme) sans particulière beauté dans une intimité qui est (peut-être ?) heureuse.

A l’Hôtel de la plage comme dans Solitude, les couples sont expressifs dans leur approche de la passion.
Une autre huile, comme Croisade des enfants est puissante par son souci proche de la prière humaniste.

Et quelques fois, comme dans Première trouée on retrouve le peintre écologiste en milieu urbain qui sait démasquer la misère et même les horreurs des quartiers voués à l’abattoir des machines à décerveler les maisons.
Et puis, il y a le Jean Goldmann dessinateur tourmenté, chargé d’un potentiel de vérité véhémente, au large cri de souffrance intérieure. Jean Goldmann reste oui un adepte du réalisme et il ne refuse pas à l’occasion une touche d’impressionnisme ou d’expressionnisme. Mais il est entier, authentique.

Alain Viray

 Le DR 1981 - Une inquiétude domine

Toute visite d’exposition est une lecture. En quittant la Galerie rencontre où vivent les œuvres de Jean Goldmann, quelques mots s’imposent à la mémoire : inquiétude, angoisse souvent feutrée, parfois criante. Les noirs, blancs et gris captent surtout cet intense « mal de vivre ». Les passagers du métro sont des personnages de Beckett et les souterrains de la ville parlent de panique quotidienne de communication étouffée. Le gestuel exprime toute la fougue du corps féminin. Pourtant cette respiration, elle aussi contient un drame.
Un grand tableau nous interroge : Croisade des enfants. La longue ballade de Brecht chuchote : « Des enfants qui avaient faim trottaient par petits groupes sur les grands chemins, ils en amenaient d’autres qui vivaient dans les villages détruits » : Ainsi sont-ils peints de mauve, de bleu avec des flamboiements orangers. Yeux questionneurs, gestes engourdis. Ils nous regardent de face. Meurtris, maladroits, dorlotant un chien d’espoir.

Toute lecture doit appréhender les différentes facettes d’un talent. Il y a aussi chez Goldmann un intimisme simple, et ce nu mangé de lumière suggèrent de soirs d’apaisement. Mais l’inquiétude domine…. Sans démonstration tapageuse. Comme un refrain d’existence !

Jo Dustin

Le DR 1981 - « Utopies » de Borges ou contradictions

Curieuse « rencontre, galerie Rencontre, entre les œuvres de Jean Goldmann et les « Utopies » de  Jorge Luis Borges. Rencontre entre peinture et texte littéraire adapté théâtralement. Rencontre aussi entre deux conceptions du monde : La première inquiète et progressiste, l’autre élitaire et inquiète. Je ne sais si elle l’a voulu, toujours est-il que la mise en scène- d’une remarquable et efficace sobriété- que signe Ilinca Gheorgiu, une réfugiée roumaine étudiant à l’INSAS, souligne les contradictions d’un Borges (par ailleurs soutien du régime argentin) qui rêve d’un monde sans argent, sans pauvreté ni richesse, sans gouvernement, sans censure, sans guerre… mais aussi sans amour, sans chaleur humaine. Exercice de style ? Que non. Volonté de faire connaître à travers un extrait de son «  Livre de sable » un des grands écrivains de ce temps, une sorte d’exception dans la littérature latino-américaine où généralement talent rime avec progressisme. Pour donner vie à ce texte, Christine Sirtaine dont le corps semble vibrer à la musique des mots que dit Marcel Dossogne, puis Dossogne en sage d’un temps à venir, à la fois superbe et méprisant, Edouard Higuet venu de notre siècle pour lui donner la réplique et le petit Jean de Lannoy, l’enfant comme un espoir. Réponse ou prolongement de la Croisade des enfants de l’ami Goldmann ?

Francis Chenot

La Dernière Heure du 8 novembre 1983
Jean Goldmann et la puissance du nu

Jean Goldmann est non seulement un animateur d’art, un critique écouté mais aussi- et par priorité- un peintre de talent appartenant depuis toujours au mouvement « réaliste ». Il fut d’ailleurs membre fondateur des « Métiers du mur », de « Art et Réalité » et du « Mouvement réaliste. Il participa de plus à plusieurs biennales et quadriennales de la tapisserie et du dessin. Aujourd’hui, nous le retrouvons envoûté par le corps féminin et …masculin ainsi que par la trépidation de la vie citadine à la Galerie Rencontre.

Les nus ici sont râblés, puissants, évocateurs de force animale. Quand ils prennent de la couleur, ils chantent en aigus comme des affiches à l’impact très actuel. Il sait aussi avouer sa tendresse sous-jacente dans des peintures traitant de la vie citadine. En résumé, Jean Goldmann est un peintre enfiévré par la vie. Il a le sens du fruit humain et sait mettre la femme et l’homme en parallèle avec une société qui alterne l’agressivité, la beauté et la sérénité.

Alain Viray

Le DR du 5 novembre 1983 - Jean Goldmann en prise directe

« En prise directe avec la vie », cette véritable devise adoptée par Jean Goldmann dès son entrée  dans le monde artistique, il l’a honorée et continue de le faire depuis plus de quarante ans. Au plus noir des années de guerre, il est au sein du groupe « Contact », des peintres en lutte contre l’ordre nouveau et le Reich de mille ans. Membre fondateurs des « Métiers du mur » en 1950, « Art et réalité » en 1957, il va participer à maintes grandes manifestations d’art mural. Critique d’art, il va aider des jeunes talents en pleine éclosion, avec discrétion, occultant trop longtemps son œuvre propre.

Son retour en galerie en 1981 est marqué par une actualisation juste mais combien cruelle : enfants errants de toutes les guerres, voyageurs hébétés du premier métro. Le coté tendre survit cependant dans des nus et des paysages familiers à l’heure indécise du crépuscule. Je le retrouve aussi fidèle à son idéal en cet automne 1983. La série des dessins est impressionnante, noir, blanc en coup de poing, pastel ombrés aux aspects de velours, miroir tendu à l’homme. Des jeunes font du patin à roulettes, des sportifs sautent ou s’adonnent au jogging du petit matin, la violence perce ça et là tandis que les plages se laissent prendre d’assaut par les baigneuses. Toutes les contradictions de la vie sont résumées dans un coup de poignet sûr, posé, voire appuyé.

Les toiles aux tons bleus entrecoupés de verts et de rubis nous mettent en présence de mille choses quotidiennes : le feu rouge, la circulation, les jeunes qui n’ont que la rue pour lieu de vacances, la passagère blonde face à la femme « de type africain » selon la formule consacrée. Une femme aussi dans un rêve agité  et des paysages devenus presque des personnages tant ils palpitent, et puis, un très grand tableau consacré au moment de la naissance. Parmi les centaines de toiles que je vois chaque année, je ne me souviens pas d’une telle évocation. La femme apaisée, semble approcher d’un sommeil réparateur tandis que le médecin présente le nouveau-né pour tous les spectateurs et que l’infirmière discrète s’assure que tout va bien. En prise directe avec la vie, il n’y a pas de rapprochement plus juste. Il est temps que Jean Goldmann occupe la place qu’il mérite dans notre mouvement réaliste, il n’y a pas un jour à perdre pour aller voir ou revoir cette œuvre inquiète ou tendre, universelle ou intimiste, ce « chant pour un homme seul », l’homme n’est-il pas seule à l’heure de la naissance ou de la mort ?

Anita Nardon

L’Echo de la Bourse des 15 et 17 octobre 1988

Jean Goldmann répondant à l’invitation de la galerie « Ars et Amor », s’est laissé aller aux « Errances du désir ». Tel est le titre de son exposition où l’on découvre la libido secrète de l’excellent artiste, critique d’art de surcroît, et subtil observateur de la bête humaine.

Les bacchantes des bas quartiers et les ribaudes ne manquent pas dans sa démarche qui prend les allures d’une saturnale débridée où les cheveux en désordre et les seins en déroute laissent l’innocent spectateur tout pantois.
Il y a de la drôlerie dans cette vision de l’humanité ignorante des tabous et des pudeurs mais aussi quelque chose de dramatique comme dans les essais humoristiques de Debout ou de Mose, où la femme se déchaîne, se dérobe, attaque à son tour, et fait la vie dure aux représentants du sexe fort.

Mais nous sommes ici dans une sorte de primitivisme païen, assez éloigné malgré tout des cocasseries de notre société de consommation. Pan n’est pas loin (le dieu !), ni Bacchus ‘(Evohé, Evohé). Et l’on ne peut s’empêcher de penser que le gentil Goldmann emporté dans ce tourbillon de lubricité, de cavalcades et de grosses femmes, a eu bien de la chance d’en être sorti indemne. De toutes façons, il nous a donnés là un spectacle de qualité, à quoi son talent exceptionnel de dessinateur n’est pas étranger.

 Stéphane Rey

AAA - Octobre 1988

L’érotisme comme l’a bien montré Georges Bataille, s’accompagne souvent d’une réflexion sur la mort ou sur le caractère fugace des jouissances qu’il procure. C’est pourquoi, il est plus souvent générateur de conflits qu’engendreur d’extases. Les huiles sur papier, les gravures et les dessins de Jean Goldmann, à Ars et Amor en donnent une image sinon pathétique, du moins dramatique : si la beauté du corps ne doit pas nécessairement correspondre aux normes de Holywood ou de Play boy pour faire naître affection et appréciation, la rencontre des sexes (et non pas l’étalage et la mécanique du sexe, qui relève de la pornographie) entraine presque invariablement tensions et tiraillements. Post coitum omne animal triste affirmait le philosophe observateur de la nature ; le psychologue ajouterait sans doute que, dans toute association humaine gît le germe de la rupture, ne fut-ce que par la mort. L’œuvre de Goldmann pourtant n’est pas amère, m^me si elle insiste sur les errances du désir : une certaine force brutale qui semble refuser volontairement l’esthétisme, la soutient et l’on perçoit m^me une ironie sous-jacente dans ces scènes de poursuite et de fuite.

Sans signature

Le DR du 12 octobre 1988

Champion du mouvement réaliste, peintre, graveur, l’ami Jean a dans ses cartons (comme pratiquement tous les artistes) quelques pastels, dessins, lavis aquarellés et gravures sur le thème érotique. Il y a de tout petit format de gravures où les couples s’en donnent à cœur joie en « petits ébats » comme le précise le plasticien. Ailleurs, le passage de la mort est profondément marqué dans plusieurs scènes Eros-Thanatos, éternel dilemme vie et mort, omniprésence de l’amour carnassier, destructeur. La violence est également au rendez-vous. Violence d’un rut animal traduite par la présence de handicapés, d’hommes empêchés, (prisonnier ?), de franchir l’espace qui les sépare de celle qui passe au loin. Il y a les gestes, et les attitudes érotiques les plus divers, ne dit-on pas que tous les goûts sont dans la nature ?

Dans les grands pastels au volume superbe et dans les lavis aquarellés, les corps sont généreusement offerts, totalement disponibles, traduits dans un dessein sensuel qui les met en lumière au sens précis du terme. Hommes et femmes dénudés, physiquement et moralement, sans jamais aborder aux rives dangereuses de la pornographie. Car en outre la technique sans faille du dessinateur et du graveur, il y a une belle santé dans l’art de jean Goldmann. Cette santé physique et morale écarte l’idée de la grosse cochonnerie pour ne garder que les parfums grisants de l’érotisme sans lequel l’homme se retrouverait bien bas étant  donné que la gent animale n’ignore pas totalement le « plaisir d’amour ».

Anita Nardon